La durabilité est l'avenir de la mode, et ecova est à l'avant-garde de ce mouvement.
Fondée par Stéphanie Beaulieu, ecova apporte la durabilité et la production éthique à l'industrie, en mettant l'accent sur la narration. Dans cet entretien exclusif avec sa fondatrice, découvrez l'histoire d'ecova et la clé de son succès.
Vous êtes très minutieuse dans la sélection des textiles durables pour vos collections.
Comment abordez-vous la mode au-delà des tendances de la fast fashion, et comment incitez-vous les consommateurs à adopter une perspective similaire?
ecova n'a jamais suivi les tendances de la fast fashion; nous nous concentrons sur la création de styles intemporels qui transcendent les saisons. De plus en plus de consommateurs s'éloignent de la surconsommation et préfèrent des pièces offrant une qualité durable et un attrait intemporel. En privilégiant des produits de haute qualité, des choix éthiques et la transparence, nous souhaitons donner à nos clients les connaissances nécessaires pour faire des choix conscients. Cette approche les encourage à se poser des questions sur leurs achats – des questions qu’ils n'avaient peut-être pas envisagées auparavant – favorisant ainsi une connexion plus profonde avec ce qu'ils portent et son impact.
Votre dernière collection, Le Classique N.1, est la première collection de sacs en MIRUM® à être fabriquée au Canada.
Vous avez intégré l'innovation dans vos vêtements avec grand succès; comment voyez-vous ecova innover dans le monde de la mode et des affaires?
Chez ecova, l'innovation consiste à créer un lien plus profond entre les consommateurs et leurs achats. Nous voulons établir une nouvelle norme de transparence dans l'industrie de la mode. Notre objectif est de construire une communauté de consommateurs informés qui apprécient l’artisanat et le soin apporté à chaque pièce qu’ils possèdent. En partageant des informations complètes — que ce soit par des détails précis ou des vidéos de nos processus de production — nous donnons à nos clients une occasion unique de se connecter non seulement aux matériaux, mais aussi aux personnes et aux pratiques qui donnent vie à nos créations. Cette transparence inspire un plus grand sentiment de valeur et d’attachement à chaque achat.
Qu’est-ce qui vous a poussé à produire votre dernière collection de sacs au Canada contrairement à vos dernières collections?
Chaque collection d’ecova raconte une histoire unique, guidée par un objectif et des décisions réfléchies. Nous examinons soigneusement l'origine de nos produits, cherchant à honorer l’héritage, le savoir-faire et la durabilité à chaque étape du processus. Notre première collection a été produite en Italie, un pays réputé pour son expertise dans le recyclage du cachemire. Comme il n'y a pas de fabricants de cachemire au Canada, il était logique de s'associer à un atelier de tissage familial transmis depuis plusieurs générations, situé proche de notre producteur de cachemire écologique. Cette approche a permis d'éviter le gaspillage et de préserver l’artisanat d'une communauté qui a perfectionné ses compétences pendant des siècles.
Notre deuxième collection – une ligne de chandails en coton organique régénératif – a été fabriquée dans le sud de l'Inde grâce à une collaboration avec le collectif Oshadi. Dans une industrie où l'on estime que seulement 2 % des travailleurs gagnent un salaire décent, ce partenariat était bien plus qu’un simple approvisionnement de matériaux; il s'agissait de promouvoir un changement. La chaîne d'approvisionnement et les pratiques éthiques d'Oshadi, dirigées par Nishanth Chopra, reflètent leur engagement envers la mode durable. Afin de mettre en valeur les artisans, nous avons brodé leurs noms sur la manche gauche de chaque chandail et partagé leurs histoires dans une vidéo sur notre site web. La transparence des prix souligne également nos valeurs, en montrant exactement quel pourcentage du coût permet de verser des salaires équitables aux artisans.
Pour notre dernière collection, nous avons introduit MIRUM®, une alternative biosourcée au cuir animal, fabriquée dans l'Illinois sans plastique. Alors que la plupart des marques envoient le MIRUM® en Asie ou en Europe pour la production, nous étions déterminés à maintenir le processus de production au Canada. Après des mois de collaboration et d'essais, un fabricant canadien, réputé pour son expertise dans l'artisanat du cuir, a adapté ses procédés pour donner vie à ce matériau innovant. Ce partenariat local permet non seulement de réduire notre empreinte écologique, mais aussi de mettre en valeur la capacité d'adaptation et l'excellence de l'industrie manufacturière canadienne.
On pense souvent que les entreprises durables doivent sacrifier leurs profits pour maintenir des pratiques de fabrication éthiques et durables.
Avez-vous été confrontée à ce défi et, si oui, comment conciliez-vous la rentabilité et la durabilité dans votre prise de décision?
L'idée que les entreprises durables doivent compromettre leurs profits n'est pas une perception, c'est souvent une réalité. Dans les modèles de mode traditionnels, il n'est pas rare de voir des produits vendus avec une marge de 800 %, ce qui soulève de sérieuses questions sur la qualité, l'impact environnemental et le traitement des travailleurs impliqués dans la chaîne d'approvisionnement. Ce modèle privilégie le profit avant tout, souvent au détriment des pratiques éthiques.
Chez ecova, nous avons adopté une approche différente. Bien que cela implique des marges moins élevées, cela nous permet de rester fidèles aux valeurs fondamentales de notre marque: la qualité, la durabilité et la transparence. Par exemple, nos chandails Badge of Honor peuvent coûter plus cher que ce que certains ne le pensent, mais lorsque nous expliquons le prix – en soulignant que 36,46 $ de chaque chandail soutient directement des artisans qui gagnent des salaires équitables – ça résonne avec notre communauté.
Les tendances de consommation montrent une demande croissante pour la transparence et les pratiques éthiques, et nous pensons que ce changement ne fera que s'accentuer avec le temps. En équilibrant la rentabilité et la durabilité, nous créons un modèle qui respecte la planète, les personnes impliquées dans nos processus de fabrication ainsi que la confiance de nos clients. Il ne s'agit pas seulement de réaliser une vente, mais de construire une marque en laquelle les clients peuvent avoir confiance.
Vous avez représenté ecova au Forum STI des Nations Unies en mai 2024 et vous êtes maintenant reconnue comme faisant partie du réseau des Nations Unies pour la mode et le style de vie.
Que signifie cette reconnaissance pour vous en tant que fondatrice?
Faire partie du réseau des Nations Unies pour la mode et le style de vie est à la fois un honneur et une responsabilité. Cette reconnaissance souligne l'engagement d'ecova à faire des changements positifs dans l'industrie de la mode, et il est incroyablement gratifiant de voir nos efforts reconnus sur une plateforme mondiale.
La partie la plus excitante est l'opportunité d'apprendre et de collaborer avec d'autres membres qui partagent les mêmes valeurs et la même vision pour un avenir plus durable. L'échange d'idées, d'expertise et de bonnes pratiques nous incite à pousser ecova plus loin et à explorer des moyens novateurs de faire de la durabilité une partie intégrante de l'industrie. Cette reconnaissance nous rappelle que le travail que nous accomplissons en tant que marque va au-delà de la mode : il s'inscrit dans un mouvement plus large en faveur de la durabilité mondiale.
Le Classique N.1 a été présenté dans British Vogue. Qu'est-ce qui vous passionne le plus à l'idée de faire découvrir vos produits au monde?
Ce qui nous passionne le plus à l'idée de faire découvrir nos produits monde, c'est l'opportunité de présenter non seulement les designs, mais aussi les valeurs et la vision de notre marque. Avec Le Classique N.1, nous ne nous contentons pas de simplement présenter un accessoire de luxe ; nous invitons les consommateurs à adopter une nouvelle façon de concevoir la mode – une qui privilégie la durabilité, l'artisanat et la longévité.
Le fait d’être dans British Vogue amplifie ce message, nous permettant de nous connecter avec un public mondial qui apprécie un design réfléchi et qui désire connaître l'histoire qui se cache derrière leurs achats. Il est valorisant de savoir que notre travail peut susciter des conversations sur l'impact de la mode et inspirer plus de personnes à apprécier la qualité et la transparence.
Avec trois collections lancées avec succès, comment envisagez-vous l'expansion d'ecova dans le futur?
Nous envisageons qu'ecova se développe lentement et intentionnellement, en restant fidèle à notre philosophie de slow fashion. La croissance ne doit pas nécessairement signifier sacrifier l'ADN d'une marque, et nous croyons fermement qu'il faut permettre à ecova d'évoluer à son propre rythme. Bien que la possibilité d'un partenariat avec des investisseurs soit intéressante, il est important de s'assurer que le moment soit bien choisi. De nombreuses marques évoluent trop rapidement et perdent de vue leur objectif initial, un risque que nous ne voulons pas prendre.
Les gens remarquent de nouvelles marques qui semblent avoir pris de l'ampleur du jour au lendemain, mais un examen plus approfondi révèle généralement des années de travail avant qu'elles ne soient largement reconnues. Une croissance lente et régulière permet à une marque de construire une base solide et d'assurer une continuité dans le temps.
Pour ecova, chaque collection a un but. Dans le futur, nous continuerons de peaufiner et de développer ce que nous avons déjà créé, en introduisant de nouveaux articles avec les mêmes matériaux et en lançant de manière réfléchie de nouvelles collections lorsque le moment sera propice à la mise en œuvre de nos valeurs.
Photos : DS Sanchez
