Entretien avec Daphné B., écrivaine en résidence Mordecai-Richler

Image by Julia Marois.

Poète, traductrice, essayiste et chroniquqeuse Daphné B. est l’écrivaine en résidence pour l’hiver 2025 chez le Département des littératures, de langue française, de traduction et de création (DLTC).

Ancienne étudiante du baccalauréat au DLTC, Daphné B (elle, she/her) a réalisé un mémoire à l'UQAM sur l’influence des médias sociaux en littérature intitulé « La poète 2.0 », avant de continuer son parcours avec une maîtrise en traductologie à l’université Concordia.

Son essai « Maquillée », paru en 2020, a gagné le Prix des Libraires dans la catégorie essai et a été nommé parmi les finalistes du prix de l’essai de l’Académie des lettres du Québec ainsi que finaliste pour le prix du meilleur essai Spirale 2021.

Nous avons discutĂ© avec DaphnĂ© de son travail et des projets qu'elle envisage durant sa rĂ©sidence Ă  şÚÁϲ»´ňěČ.

Q : En tant qu’ancienne élève du Département, quelles expériences, quels conseils et quelles anecdotes avez-vous envie de partager avec les étudiants et étudiantes ? Comment espérez-vous dialoguer avec les étudiants et étudiantes ?

Daphné B. : Je sais que la charge de travail peut être importante, surtout en fin de session. Cela peut bouffer tout notre temps libre. Toutefois, je dirais aux étudiants et étudiantes que la littérature n’est pas seulement une expérience individuelle, une histoire de lecture et d’écriture. C’est aussi et surtout un fil qui nous relie aux autres, un rapport au monde qui nous pousse à dialoguer avec nos contemporains, avec ceux qui nous précèdent et ceux qui nous survivront. Bref, cela implique toujours la création de communautés. Je les encourage donc à participer à des rassemblements, des lectures publiques, des projets d’édition, etc., afin de nourrir ces communautés. Finalement, je leur dirais qu’on n’a pas besoin d’accéder à la publication pour se dire écrivain. C’est une étiquette qu’on peut se donner d’emblée. Il faut foncer.

Q : Votre essai « Maquillée » mêle différents genres et formes, tels que la sociologie, l’autofiction et la poésie. Comment l’expérimentation littéraire remet-elle en question votre processus d’écriture ? Quelles sont les histoires qui vous inspirent ?

Daphné B. : Elle ne remet pas mon processus d’écriture en question, puisque l’hybridation en a toujours fait partie. Ça m’a surtout pris du temps à le reconnaître et à en tirer de la fierté, dans la mesure où ce n’est pas nécessairement une pratique que l’on m’a enseignée. Je ne suis pas une fervente des catégories ou encore des genres littéraires, en ce qu’ils enferment la littérature dans des carcans et instituent souvent une échelle de valeurs. Par exemple, à l’heure actuelle, on a tendance à valoriser le roman au détriment d’autres genres.

Je suis inspirée par absolument tout! En ce moment, je suis pas mal obsédée par l’expédition Belgica (1897-99), la première expédition polaire à hiverner en Antarctique. J’écris sur les explorateurs polaires, mais j’écris aussi sur la lettre A, d’abeille à argent.

Dans les médias, je couvre tout ce qui a trait à la culture web. Ma dernière chronique dans La Presse analysait le compte . J’aime aussi parler de théorie des médias dans le balado que j’anime avec mon copain, Café Snake.

Q : Dans le passé, vous avez déclaré que la traduction était « un acte de création. […] J’entre en relation avec un texte, et ce texte entre à l’intérieur de moi. J’en deviens obsédée. […] » Ce processus reste-t-il le même lorsque vous travaillez dans des genres différents, comme la biographie ou la poésie ? Quels sont les points communs et les différences entre la traduction d’un genre et celle d’un autre ?

Daphné B. : La traduction est un exercice de réécriture, peu importe le genre que l’on traduit. Le texte à traduire a toujours le potentiel de « contaminer » la personne qui le traduit, d’ailleurs. Je ne sais plus où j’explique ça, mais avant de pouvoir traduire un texte, on doit l’ingérer, le mastiquer, à l’image d’un aliment. Et comme de la nourriture, ce texte répand ses nutriments et ses toxines dans notre corps. Dans mon cas, j’ai vu mon imaginaire se faire envahir par les images d’une poète que je traduisais, par exemple. Et lorsque j’ai traduit la biographie d’un homme d’affaires très riche, j’ai intégré à mon insu ses valeurs capitalistes. Il faut donc faire attention à ce qu’on traduit, comme à ce que l’on mange. Haha!

Q : Quels sont les projets littĂ©raires sur lesquels vous comptez travailler pendant votre rĂ©sidence Ă  şÚÁϲ»´ňěČ/au DLTC ?

Daphné B. : Avec les étudiants, je désire surtout travailler l’écriture et le son : comment écrire avec le son, comment le mettre en récit, comment penser et concevoir une littérature « sonore » à l’ère de la baladodiffusion? Ce sont des thèmes que j’ai effleurés dans mon balado littéraire, Choses sérieuses, notamment. Finalement, j’aimerais méditer avec eux sur le rapport entre la culture web et l’écriture, un thème qui m’est très cher et qui est au cœur de mes recherches. Je souhaite par exemple leur montrer comment entrer en dialogue avec le web dans l’écriture.

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